• La vie n’est pas vécue pareillement,
    Selon la classe sociale à laquelle nous appartenons
    Pour les prolos tout se vit durement,
    Pour les dominants tout est acquis sans concession.

    Dès lors, que peuvent comprendre de nous ces classes aisées,
    Cette bourgeoisie arrogante ?
    Que connaissent-ils des difficultés,
    Et des contraintes violentes ?

    Cette bourgeoisie ne connaît de nous,
    Que le profit que nous engendrons.
    Et tels des pions sous écrous,
    En robots nous avançons.

    Et nous nous trompons de cris,
    Lorsque nous désignons coupables d’autres que nos bourreaux.
    Lorsque nous voyons en nos frères et sœurs de classe des ennemis,
    Ou lorsque l’Europe devient le pire de nos maux.

  • Comme s’il avait perdu l’odorat,
    Du parfum de sa vie.
    Et qu’épuisé d’être las,
    Il s’en trouvait démuni.

    Il souffre en des silences,
    Qui assourdissent ses projets.
    Et s’abattent les sentences,
    D’une existence débridée.

    Il prie, il supplie, il espère,
    Que les couleurs reviennent.
    Mais seul un ciel austère,
    Et des pluies diluviennes…

    Il se contente de sourire,
    Façade de contrainte.
    Et la joie en martyre,
    Se confond en plaintes.

    Il se lamente et se morfond,
    Le regard sans vœu.
    Et l’amour en horizon,
    Le console… un peu

  • Tant de visages,
    Tant de couleurs,
    Tant d’horizons.
    Qui par le mirage,
    Et par les peurs,
    Et par l’abandon.


    Tant d’adages,
    Tant de pleurs,
    Tant de vallons.
    Qui par le rivage,
    Et la rancœur,
    Et la raison.


    Nous sommes partis à la nage,
    Pour seuls bagages nos valeurs,
    Par centaines, par millions.
    Nous avons fui la rage,
    Et les massacreurs,
    Et l’extermination.


    Nous sommes partis de nos villages,
    Pour échapper à la frayeur,
    Par l’exil en solution.
    Sans tourner la page,
    Et en sang les cœurs,
    Et en haillons.

  • Parfois invisible,
    Parfois apparente.
    Je vis par l’homme,
    Je me nourris de la peur et de la convoitise.

    Je suis à l’origine des conflits,
    Et ne meurs jamais.
    Aux mains de tyrans,
    Aux pieds de la pauvreté.

    Je fais lever les yeux au ciel,
    Je fais naître les désirs de partance.
    Et c’est par moi que viennent les larmes,
    Et c’est pour moi que l’on prend les armes.

    Certains partent à ma rencontre à la nage,
    D’autres en se terrant à l’arrière de poids-lourds.
    D’autres encore voyagent en soute,
    Ou en barques de fortune.

    J’ai toujours des ennemis,
    Qui souhaitent me voir disparaître.
    Au profit du libre déplacement,
    Et par la fin des expulsions.

    Mais je ne suis pas en danger,
    Je suis bien trop forte et bien trop soutenue.
    Ne cesseront donc pas les différences,
    Et la prolifération de ma descendance.

  • Paroles insignifiantes,
    Mots sans portée.
    Je suis intransigeante,
    Je plane avec succès.

    Discours sans fond,
    Échanges sans valeur.
    Je plonge la culture dans les tréfonds,
    Je nourris les rancœurs.

    Verbe obsolète,
    Pensées endormies.
    Je suis à la moquerie sujette,
    J’annihile les envies.

  • Si j’en avais le pouvoir,
    Je voudrais dans un dernier effort,
    Arrêter le temps,
    Pour que cessent de grandir tes cheveux blancs.

    Eux qui envahissent ta chevelure,
    Eux qui annoncent la vieillesse.
    Je voudrais tant leur faire la vie dure,
    Pour qu’enfin ils disparaissent.

    La chasse aux cheveux gris serait ainsi ouverte,
    Dans l’espoir vain de détourner ce chemin.
    Qui me conduit à ta perte,
    Qui t’éloigne de tous les tiens.

    Et face au miracle accompli,
    Tes jours sans cesse continuant.
    Je te dirais comme je t’aime à l’infini,
    Toi mon grand amour, maman.